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Ca sent le sapin

Anonymous
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MessageSujet: Ca sent le sapin Ca sent le sapin EmptyMar 11 Déc - 17:34

Elle aimait bien l’hiver. C’était la seule saison dans cette espèce de bulle à la con qu’elle pouvait reconnaître. Espérance, c’était la douceur toute l’année, pas de calendrier et, à moins de marquer chaque nuit par des bâtonnets, une succession de jours sans queue ni tête. Là, au moins, elle avait un repère. Elle saurait qu’à chaque retour de ce temps, un an serait passé.

Elle aimait bien l’hiver. Il y avait une odeur plus pure dans l’air, comme une attente gelée. Les odeurs agréables étaient plus fortes, les mauvaises disparaissaient, même le tabac semblait moins nocif. Le monde avait des goûts de bois, de feu et de poussière qui prenaient au nez et semblaient se geler au fond de la gorge. Tout autour d’elle, comme une attente. La neige, l’espoir, l’obscurité, peu importait. C’était quelque chose, une partie d’un tout que même la pluie n’arrivait pas à gâcher.

Elle avait toujours aimé l’hiver. Elle s’en souvenait maintenant. Des images d’enfant dans un lieu sécurisé avec des cadeaux, des couleurs et de la chaleur. Des images plus récentes de béton, de solitude et d’ingéniosité pour tromper le froid. L’ironie des gens cherchant quoi offrir, empressés, aveugles aux beautés pourtant créées dans le seul but de leur plaire. La ville se parait de couleurs pour mieux tromper la ruche humaine qui se laissait avoir chaque année par la fébrilité capitaliste. Ce qu’elle trouvait ça drôle à l’époque. Ca lui manquait. Ici, dans ce lieu paumé, cette campagne rustique, elle ne voyait ni sapin, ni boutiques, ni cadeaux. Pas qu’elle ait été du genre à en offrir, elle avait quitté la sécurité bien avant d’avoir de quoi acheter quoi que ce soit mais pour se moquer au moins.

C’était le sapin qui lui manquait le plus avec ses odeurs musquées, ses épines éphémères ou persistantes, vertes ou bleues. La résine qui collait les doigts et faisait crier les petites filles, l’écorce rugueuse aux milles échardes. Elle sourit. La Ferme aurait son sapin. C’était dit. Après tout, personne n’allait lui reprocher de couper un arbre qu’on pourrait utiliser plus tard à des matériaux de construction. Il y avait certainement des pins dans la forêt, une hache quelque part. Qu’elle n’ait jamais essayé de couper quoi que ce soit n’était pas un problème. Ce ne pouvait pas être bien compliqué. Tape, tape, tape et tombe. Fin de l’histoire.

C’est ainsi que quelques heures plus tard, à l’aube d’un nouveau jour d’hiver, froid mais sec, Kajila se baladait dans la forêt, une corde en guise de ceinture, des planches sur une épaule et une hache dans la main. Elle chantonnait, indifférente au silence de la nature autour d’elle, cherchant des yeux l’arbre idéal. Ni trop grand, ni trop petit. Juste parfait. Sauf que la perfection, ça ne se trouvait pas sous le pied d’un cerf et que tous les arbres qu’elle croisait avaient un défaut. Pas assez d’épines. Trop d’animaux dessus. Trop lourd. Trop petit. Moche. Malade. A croire qu’Espérance n’était pas plus adapté aux arbres qu’aux humains qu’elle laissait dépérir. Et puis ces troncs partout…c’était oppressant. Elle frissonna. Un froid totalement indépendant de la température extérieure s’insinuait dans ses os. Elle arrêta de fredonner. Elle n’aimait pas l’hiver.
Résine
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MessageSujet: Re: Ca sent le sapin Ca sent le sapin EmptyJeu 20 Déc - 22:33

« Le feuillet qui se tourne, ou le châtaignier vert
Qui craque, et l'on se croit au milieu de l'hiver.
»
A. Brizeux
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C'est l'hiver et toute l'atmosphère crisse du froid qui s'insinue en elle. L'air est figé, sec, et pourtant doux, lisse sur la peau qu'il refroidit. Résine a pensé à bander ses pieds avant de sortir ce matin ; c'est la saison et si elle ne le fait pas, ses orteils bleuissent jusqu'à ce qu'elle ne les sente plus et ne puisse plus bouger. Ça lui est déjà arrivé. Elle avait alors dû s'accroupir au gris milieu des cultures, faire descendre sa robe jusqu'à ses talons et frictionner à travers le tissu ses extrémités glacées afin qu'elle arrive de nouveau à gigoter un par un les petits morceaux de muscles. Elle avait même songé à s'enrober le cou d'une écharpe crème, chose qu'elle n'effectuait jamais auparavant, même si en contrepartie, ses mollets et ses épaules étaient à vif. Un drôle d'accoutrement pour une drôle de fille. Néanmoins, avec tout ce qui lui était arrivé, tout ce qu'elle avait vu, découvert, expérimenté, elle avait compris que de menues excentricités ne bouleverseraient pas le moins du monde l'équilibre déjà hautement instable de ce village. Et elle continuait d'avancer, pas plus folle qu'avant ou peut-être un chouïa, et chaque matin était pour elle l'occasion de lutter contre la fragilité d'Espérance.
Il fallait des âmes fortes. Elle en était convaincue. Ne pas se laisser emporter par la tourmente des Rêves, ne pas sombrer dans les Cauchemars à la saveur de miroir pilé, ne pas défaillir devant les tensions de la réalité, entre Nahash et les autres, entre les autres et les autres. Qu'importe les secrets et les possibles manipulations de l'Oiseau ; la rouquine se tiendrait droite et intangible à ses côtés lorsqu'il le faudrait. Non, elle n'était pas dupe. L'attachement de Bird à ce village relevait presque de la pathologie. Une volonté de surprotection quasiment malsaine, avec ce Mur, ces mystères insondables, son Reflet irrationnel. Le directeur était louche, avait des accès de colère qu'elle ne prévoyait pas toujours ; elle n'y était pas aveugle, et plutôt rancunière, comme à son habitude. Mais c'était cette justesse dans sa relation avec Bird, ce ni trop ni pas assez, qui alimentait sa détermination. La rousse avait choisi d'elle-même cette voie, et sans même un aveu de la part de l'Oiseau, elle aurait suivi ce chemin.

Un chemin en tout point dissemblable à celui qu'elle emprunte cette aurore-là. Celui-ci est invisible, seuls ses pas le dessinent de façon imaginaire et la conduisent dans la forêt. Recherchait-elle à escalader le Mur une nouvelle fois ? Peut-être. Non. À dire vrai, son unique motivation était de s'aérer l'esprit. Elle réfléchissait trop, sur tout et rien, surtout sur rien et sur rien du tout, et sa cervelle avait besoin de moments de décompression totale. Et rien de mieux qu'un matin frisquet pour se dézinguer les neurones afin d'entamer la journée sur des bases vierges de toute réflexion.
Ses voûtes plantaires heurtent le sol de terre roide. Le ciel est une nef froide et bleue, si bien que la lumière passe plutôt bien au travers des branchages. Résine inspire à plein poumons, tousse de cet oxygène glacé qui lui rentre dans les bronches. L'écharpe n'est d'aucune utilité lorsque l'on respire ; la barrière de laine ne prend pas à l'intérieur de la gorge. Tant pis. La gamine continue d'inspirer, agite les bras dans un mouvement circulaire puis laisse traîner ses doigts sur les diverses écorces érigées autour d'elle. La forêt. L'hiver. Elle connaît ses images, on les lui a montrés récemment. Ça lui serre encore un peu le coeur, mais c'est passé maintenant. Il faut avancer, c'est bien ce qu'elle s'est juré.

Les troncs sont tantôt râpeux tantôt plats, tantôt lacérés tantôt ulcérés. C'est une joie que d'essayer de deviner le nom de l'arbre seulement aux esquisses de son écorce, aux rainures végétales. Mais Résine n'excelle pas à ce jeu-là. Tout au mieux se frotte-t-elle aux épines des sapins et aux excroissances des érables. Ses pieds frôlent le tapis de feuilles mortes, humides et pourries de l'automne dernier. C'est étrange comme seule la Nature retient le temps qui passe et applique les saisons avec toujours la même régularité d'horloger. Meilleure qu'une montre. La rouquine dresse soudain l'oreille. Elle s'est enfoncé un peu plus profondément dans les bois depuis quelques minutes, et elle remarque qu'elle n'est pas seule. Un autre enfant ? Sans doute. On entend les bruits de ses pas et une mélodie sourde qui s'arrête brusquement. Résine se cache derrière un arbre en se faisant la plus fine possible. Elle se trouve idiote de réagir ainsi. Mais elle ne comprend pas la raison de ce silence imprévu ; l'Autre aurait-il vu quelque chose qu'il ne fallait pas voir ? Le Mur est loin d'ici pourtant. L'explication est peut-être simplement personnelle. Alors, avec timidité, la rouquine passe la tête hors de sa cachette.
Humph. C'est Kajila. Elle a des yeux en amande reconnaissables, étonnants. Résine ne l'aime pas. Enfin, ce n'est pas qu'elle la déteste, mais elle la trouve brusque, brute, brutale. Ça lui correspond d'ailleurs bien, tout cet attirail de bûcheron autour des hanches et dans les mains. Mais ça effraie le morceau de sève à pattes. Qu'est-ce que la demoiselle veut-elle faire avec ces outils ? Couper, c'est évident. Mais pourquoi ? La réserve de bois n'est-elle pas déjà pleine à craquer pour alimenter les chauffages du Foyer ou des différentes maisons possédant une cheminée ? Résine fronce légèrement les sourcils. Puis se dévoile complètement à la jeune fille. Inutile de jouer les voix caverneuses de Dame Nature, elle n'en est nullement capable avec son timbre gracile.

« Tu ne vas tout de même pas en couper un ? » lance-t-elle avec une sécheresse qu'elle réprime tant qu'elle peut.

Hé, les arbres, ça se respecte !

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Ca sent le sapin Ca sent le sapin EmptyDim 23 Déc - 16:06

A peine sorti de sa boulangerie bien chauffée, Rei tremblota. Il faisait vraiment froid. Un si brusque changement de température... Même son manteau épais, son bonnet et son écharpe rouge ne suffisaient pas. Bon, il fallait faire vite dans ce cas. C'était l'époque et il n'a pas eu le temps de le faire, jusqu'à aujourd'hui. Panier en osier sur le dos, sécateur à la ceinture, il quitta le village.

Il aura mit le temps mais il commence enfin à s'habituer à sa nouvelle vie à Esperance. Sa boulangerie tourne plutôt bien, les gens sont accueillants... le seul hic, c'est sa perte de mémoire ne s'arrangeait pas. Il ne sait toujours pas qui il était avant. Pour seul indice, toujours son prénom et cette vision d'horreur qui le plonge dans le mutisme. Peut être devrait-il tenter d'oublier ça aussi et reprendre une vie à zéro.

Secouant la tête, il écarta ses sombres pensées et se focalisa sur son objectif. Pour l'instant, il fallait décorer sa boulangerie en fonction de la saison actuelle : l'hiver, noel, le nouvel an. Et première étape : il lui fallait des branches de sapin. Ensuite, il ira voir dans les boutiques ce qu'il y a comme décoration. Quelques boules et des guirlandes, ça serait parfait.

Malgré son froid mordant, l'air extérieur lui faisait du bien. Les odeurs de cuisines et pâtisseries ont laissé place à des senteurs saines de la nature. L'odeur de pin, d'herbe mouillée et de feuilles morte. Rei se sentait bien, détendu. Sortir dehors lui faisait du bien. Et ainsi, au milieu des arbres, il examinait ses potentielles victimes en quête de branches. Celui-ci était trop jeune.... pas celui-là, il est trop vieux ! Celui-là est malade... et celui-ci ? Il n'a plus d'aiguilles ! A croire qu'aucun arbre aux environs ne pouvait lui fournir de branches convenable. Espérance faisait vivre l'humanité mais pas les sapins ?

Finalement, il trouva l'arbre idéal. Beau, grand et en bonne santé ! Rei aurait presque des scrupules à lui retirer quelques branches. S'assurant que son sécateur était bien attachée à sa ceinture, il entama l'escalade du conifère et se cala sur une branche solide, adossé au tron. Il avait juste à couper une ou deux branches pour la décoration et ça ira. Doucement, il s'allongea jusqu'à être à hauteur de sa première victime, les deux lames de l'outil glissant contre la tige en bois. Une petite pression et ça serait fini. Un... deux...


« Tu ne vas tout de même pas en couper un ? »

La surprise s'empara de Rei qui s'agrippa à sa branche pour éviter de tomber, secouant légèrement son perchoir. Qui a parlé ? Regardant en bas, il aperçu deux jeunes femmes dont l'une avec une hache... juste au pied de son sapin...

Heu... elle n'allait quand même pas... couper cet arbre ? Cet arbre sur lequel il était perché... hein ? Il fallait qu'il les prévienne qu'il était la ! Mais comment faire, sans parler ?

… ça sent le sapin...
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