Mirage

This innocence is brilliant, I hope that it will stay. This moment is perfect, please don’t go away. I need you now, and I’ll hold on to it don’t you let it pass you by.

Jude & June

Emmitouflée dans un pull, June replia ses jambes contre elle, le regard perdu dans le vide. Ses orteils se crispèrent sur les draps un bref instant. Ce n’était pas habituel. Ce froid qui la transperçait de toutes parts, elle ne l’avait jamais connu à Espérance, et sûrement pas alors qu’ils approchaient de l’été. Elle enfouit son nez glacé dans ses manches. Sourit. Étrangement, cela ne lui déplaisait pas. Sans doute parce que chaleur était synonyme de lumière. Elle jeta un coup d’œil à la fenêtre. Il faisait nuit noire. June fronça les sourcils. La nouvelle lune n’était pas avant plusieurs jours pourtant. Elle se précipita hors de la chambre, dévalant les escaliers à toute vitesse, ignorant les échardes qui se plantaient dans ses pieds délicats. Impossible. C’était impossible.

Le cœur battant à tout rompre, le souffle court, elle fixait le ciel nu, hébétée. Elle leva une main tremblante vers les cieux d’encre. Même les étoiles s’étaient cachées. Ou peut-être pas. Elle entrevit au loin, fruit de son imagination ou fait réel, une faible lueur. Fébrile, la musicienne jeta des regards éperdus aux alentours. Aucune lampe n’était allumée, si bien qu’un espoir chétif naquit, lui soufflant qu’il s’agissait là des derniers éclats de l’astre. Demo… Elle était trop petite. Serrant les poings, elle jeta un œil sceptique au Foyer. Il était bien trop bas pour qu’elle distingue quoi que ce soit. Après tout, sa chambre se situait pile sous le toit, et de là elle ne voyait strictement rien. En revanche, elle pouvait bien en trouver d’autres pour comprendre ce qui se passait.

Elle fureta dans les rues, avisant chaque nouveau bâtiment qu’elle croisant, jaugeant leur hauteur de manière aléatoire, et finit par choisir le toit de l’Internat. Même si pour cela elle devait traverser les étages remplis d’enfants. Elle frissonna. Ikeee ! Elle secoua la tête, les yeux plissés. Elle pouvait le faire. Ils dormaient tous de toute façon. Sans bruit, elle poussa la lourde porte et se glissa à l’intérieur de l’édifice. Elle grimpa les escaliers quatre à quatre, déverrouilla la grille qui la séparait du toit avant de la laisser claquer derrière elle, trop heureuse de sentir la brise caresser son visage. Elle fit quelques pas sur les dalles laissant traîner sa main sur les barrières métalliques qui clôturaient l’espace.

Scrutant le ciel à la recherche de la lueur qu’elle avait aperçue, elle se plaqua contre le fer, savourant la fraîcheur qui s’en dégageait, tout en se félicitant intérieurement de s’être vêtue, pour une fois, plus que d’une simple robe. Ses petites mains serrèrent le grillage de toute leur force, désespérées. Il n’y avait plus aucune trace de l’astre, même supposée. A croire qu’elle se trouvait dans le Reflet. Elle eut un sourire amer. Non, là-bas elle aurait pu en faire apparaître plein. Elle se trouvait bel et bien dans la réalité, une réalité déplaisante, sombre et sans saveur. Elle se laissa doucement tomber le long du métal, refoulant ses larmes. Elle était fille de lune, sœur des étoiles, et voilà qu’elle se retrouvait sans famille. Encore.

© Grey WIND.

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